Force et diffusion de la philosophie La défense est faible : on peut trouver aux philosophes bien des faiblesses, et leurs personnes comme leurs doctrines sont loin d’être inattaquables ; mais il suffit pour les grandir de les comparer à leurs adversaires. […] Les évêques intervenaient de leur personne, et par leurs mandements tâchaient de barrer la route aux mauvaises doctrines : mais l’épiscopat n’avait plus de Bossuet ni même de Massillon ; et Le Franc de Pompignan, l’honnête évêque du Puy, Montazet, l’académique archevêque de Lyon, Beaumont, l’intempérant archevêque de Paris, ajoutez-y tous les Boyer, les Languet, les Montillet, ne pesaient pas, à eux tous, le poids des seuls Voltaire et Rousseau. […] Souvent, d’autre part, les intentions oppressives du pouvoir civil étaient neutralisées par la politesse des agents, qui semblaient s’excuser de faire leur devoir par la façon dont ils le faisaient : des lieutenants de police, des commis de ministère, des censeurs royaux, des intendants, des avocats généraux, des conseillers de Parlement étaient gagnés aux idées des philosophes, se faisaient protecteurs de leurs personnes, atténuaient le danger de leurs publications. […] Leurs personnes presque toujours sont plus intéressantes, plus représentatives, que leurs écrits ; et l’historien de la société a plutôt affaire à eux qu’à l’historien de la littérature.