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38. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

En premier lieu le public se trompe rarement quand il définit en general les personnes qu’on vient de citer comme un exemple de ses injustices, quoiqu’il les louë ou qu’il les blâme à tort quelquefois, sur un évenement particulier. […] Or, autant qu’il seroit injuste de juger du mérite de ceux dont il s’agit sur un seul succès, autant me paroît-il équitable d’en juger sur plusieurs succez, ainsi que par comparaison aux succez de ceux qui auront eu à conduire des entreprises ou des affaires pareilles à celles dont les personnes desquelles il s’agit ici, auront été chargées. […] Le joueur de trictrac, qui de vingt parties qu’il joüe avec la même personne en gagne dix-neuf, passe constamment pour sçavoir le jeu mieux qu’elle, quoique le caprice des dez puisse faire gagner deux parties de suite au joüeur malhabile contre le joueur habile. […] Ainsi les personnes qui ont acquis le sçavoir nécessaire pour connoître si l’ouvrage est bon ou mauvais sont les seules qui puissent en juger. […] Véritablement les personnes qui ne sçavent point l’art, ne sont pas capables de remonter jusques aux causes qui rendent un mauvais poëme ennuïeux.

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