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446. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Dans la Surprise de l’amour, c’est le heurt de la vanité qui fixe l’attention : chacun des deux personnages est fâché de n’être pas unique en sa bizarrerie, fait effort pour réduire la bizarrerie de l’autre à la banalité des façons universelles, et se prend en voulant prendre. […] Chaque personnage est une formule abstraite, et ne semble occupé que de manifester sa définition ; l’ingrat dit à son valet : « Écoute, et tu verras ce que c’est qu’un ingrat ». […] Dans les vives polémiques qui s’engagèrent, les partisans du nouveau genre et ses ennemis ne le comparaient pas ordinairement à la comédie pure, mais à la tragédie : de La Chaussée à Beaumarchais, le grand argument qu’on fait valoir en sa faveur, c’est qu’il est plus vrai, et plus moral que la tragédie, parce qu’il peint des personnages pareils à nous, dans des situations pareilles à celles où nous nous trouvons tous les jours. […] Disposer l’action pour amener une suite de tableaux, où tous les personnages se fixent en attitudes expressives, évidemment cela est dangereux : on sent dans ce procédé de composition la tendance d’une poétique sentimentale, qui fausse la destination naturelle du genre dramatique.

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