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222. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Et puisque j’y suis, je ne me refuserai pas de couler à fond cet article de cupidité honteuse dont le personnage politique en lui a tant souffert, et s’est trouvé si atteint, si gâté au cœur et véritablement avili. […] Le problème moral que soulève le personnage de Talleyrand, en ce qu’il a d’extraordinaire et d’original, consiste tout entier dans l’assemblage, assurément singulier et unique à ce degré, d’un esprit supérieur, d’un bon sens net, d’un goût exquis et d’une corruption consommée, recouverte de dédain, de laisser-aller et de nonchalance. […] Il s’échangeait bien des vérités et des hardiesses entre lui et ses familiers, à travers son whist, dans cet hôtel de la rue Saint-Florentin qui allait bientôt devenir le quartier général d’une révolution ; et ce qui s’était dit là, on ne craignait plus en sortant de le répéter, de le glisser à l’oreille de tous les hauts personnages (et ils étaient nombreux) qui ne donnaient point alors dans les partis désespérés. […] Comme ce n’est point de l’histoire sévère que j’écris en ce moment, et que je ne vise qu’à mettre en lumière quelques traits essentiels d’un haut et curieux personnage, je veux marquer encore par un contraste sensible ce qu’il avait de supérieur en son genre et en quoi, par exemple, il l’emportait incomparablement pour la tenue, pour le secret, l’esprit de conduite et une dignité naturelle sur des acolytes, gens de beaucoup d’esprit, mais légers, intempérants, et qui ne venaient que bien loin à sa suite dans l’ordre de la politique et de l’intrigue. […] Rentré chez moi, je décidai que le seul moyen de prendre pied dans cette affaire était d’y faire entrer un personnage politique important ; après avoir bien cherché : « Ma foi !

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