Les personnages seuls du drame et du roman diffèrent. […] Taine lui-même ne dit mot, dans sa récente Histoire de la littérature anglaise, parce que cette pièce et ce personnage de Henri V sont une des plus fortes objections qu’il y ait contre son système de l’influence de la race ; car Henri V est un Anglais diminué de tout le flot d’humanité que Shakespeare a fait entrer dans sa nature, comme s’il eût voulu démontrer, par la conception et la réalisation d’un tel personnage, combien son génie savait s’affranchir de ce joug de la race que M. Taine veut faire tomber sur le génie comme sur le cou d’un bœuf, et prouver enfin que lui-même, comme son personnage, était un homme… encore plus un homme qu’un Anglais ! […] Toutes les nuances humaines, le poète les a fondues ici… On dirait qu’en inventant un tel personnage, Shakespeare a eu la coquetterie, osée et suprême, de nous faire pardonner à l’Angleterre notre désastre d’Azincourt ! […] Il n’a pas voulu qu’un genre quelconque de surnaturel intervînt dans la transfiguration de son personnage, et il a laissé, à dessein, du Hai dans son Henri V.