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435. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Si quelquefois nous avons dû omettre certaines particularités qui eussent mieux fait saillir la figure, c’a été uniquement parce que la personne voilée du prêtre, ou la modestie du philosophe, ou la simplicité élevée de l’homme ne le permettait pas, ou encore parce que le sage, comme cette fois, nous a dit : « Vous savez ma vie dans ses détails : je ne rougis et n’ai à rougir d’aucun ; je ne me suis donné que bien peu de démentis, ce qui est rare en notre temps. […] Il avait de tout temps fait la chanson par amusement, avec une facilité, dit-il, qu’il n’a plus retrouvée depuis, en d’autres termes, selon moi, avec une négligence qu’il ne s’est plus permise. […] Mais Béranger vit à merveille que, dans une langue aussi peu rhythmique que la nôtre, le refrain était l’indispensable véhicule du chant, le frère de la rime, la rime de l’air comme l’autre l’est du vers, le seul anneau qui permît d’enchaîner quelque temps la poésie aux lèvres des hommes. […] Cette parcelle ignée en effet, cet esprit pur qui, à peine éclos, se loge dans une bulle hermétique de cristal que la reine Mab a soufflée, c’est toute sa chanson, c’en est le miroir en raccourci, la brillante monade, s’il est permis de parler ce langage philosophique dans l’explication d’un acte de l’âme, qui certes ne le cède à aucun en profondeur.

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