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618. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

C’est un livre presque impossible à dominer, et qui invite le critique à se perdre dans le détail à la suite de l’auteur. […] La théorie développée dans ce curieux opuscule a laissé des traces dans l’Esprit des Lois, mais des traces éparses et confuses, recouvertes sans cesse par un système différent, dont le fond est cette idée chère à Montesquieu que de la construction de la machine législative dépend la destinée des peuples, et qu’un rouage ôté ou placé à propos sauve ou perd tout : or qu’y a-t-il de plus contraire au fatalisme politique que la superstition sociologique, la foi aux artifices constitutionnels ? […] Il est impossible, dans l’infinie complexité des choses humaines qu’une infinité de forces concourent à produire, quand les causes physiques et les causes morales se perdent dans les obscures profondeurs de notre organisme et de notre conscience, quand on ne démêle encore — et au temps de Montesquieu on était loin d’être aussi avancé que nous sommes — quand on ne démêle que les plus superficielles réactions et les plus grossiers enchaînements de phénomènes, il est impossible de déterminer ce qu’il aurait fallu ôter ou retrancher d’énergie humaine ou de travail législatif pour détourner ou barrer le cours des événements. […] Dans la suite du xviiie  siècle, Montesquieu a semblé perdre du terrain ; d’autres l’ont dépassé, ont étouffé sa voix.

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