Quoi qu’il en soit, vers la fin de la Restauration, et grâce aux travaux et aux luttes enhardies de cette jeunesse déjà en pleine virilité, le spectacle de la société française était mouvant et beau : les espérances accrues s’étaient à la fois précisées davantage ; elles avaient perdu peut-être quelque chose de ce premier mysticisme plus grandiose et plus sombre qu’elles devaient, en 1823, à l’exaltation solitaire et aux persécutions ; mais l’avenir restait bien assez menaçant et chargé d’augures pour qu’il y eût place encore à de vastes projets, à d’héroïques pressentiments. […] » En 1820, ayant perdu son père, il revit ce Jura tant désiré, et toute sa chère Helvétie. […] Jouffroy, où le pâtre intervient souvent, datent de cette rencontre ; c’est ce qui lui a fait dire dans son émouvant discours sur la Destinée humaine : « Le pâtre rêve comme nous à cette infinie création dont il n’est qu’un fragment ; il se sent comme nous perdu dans cette chaîne d’êtres dont les extrémités lui échappent ; entre lui et les animaux qu’il garde, il lui arrive aussi de chercher le rapport ; il lui arrive de se demander si, de même qu’il est supérieur à eux, il n’y aurait pas d’autres êtres supérieurs à lui…, et de son propre droit, de l’autorité de son intelligence qu’on qualifie d’infirme et de bornée, il a l’audace de poser au Créateur cette haute et mélancolique question : Pourquoi m’as-tu fait ?