Je suis bien éloigné de désapprouver l’étude d’une langue dans laquelle les Horace et les Tacite ont écrit ; cette étude est absolument nécessaire pour connaître leurs admirables ouvrages : mais je crois que l’on devrait se borner à les entendre, et que le temps qu’on emploie à composer en latin est un temps perdu. […] Je ne puis penser, sans regret, au temps que j’ai perdu dans mon enfance : c’est à l’usage établi, et non à mes maîtres, que j’impute cette perte irréparable ; et je voudrais que mon expérience pût être utile à ma patrie. […] Il est, premièrement, une infinité de termes d’art et de conversation qui sont nécessairement perdus, et que, par conséquent, on ne saura jamais : il est de plus une infinité de finesses, de fautes et de négligences qui nous échapperont toujours. […] L’intérêt vif que les Athéniens prenaient à l’objet de ces harangues, la déclamation sublime de Démosthène sur laquelle il nous est resté le témoignage d’Eschine même son ennemi, enfin l’usage sans doute inimitable qu’il faisait de sa langue pour la propriété des termes et pour le nombre oratoire, tout ce mérite est ou entièrement ou presque entièrement perdu pour nous. […] Il arrive souvent qu’on est aussi obscur en fuyant la brièveté qu’en la cherchant ; on perd sa route en voulant prendre la plus longue.