La véritable éloquence, qu’on ne connoissoit guéres qu’à Paris, a tout d’un coup fleuri dans plusieurs villes ; témoins les discours sortis ou du Parquet, ou de l’assemblée des Chambres de quelques Parlemens, discours qui sont des chefs-d’œuvre de l’art de penser & de s’exprimer, du moins à beaucoup d’égards. Voyez les discours de M.M. de Montclar, de la Chalotais, de Castillon, de Servant & d’autres qui pensent avec la même noblesse & s’expriment avec la même force. […] Ne pouvant trouver des pensées nouvelles, ils ont cherché des tours nouveaux, & ont parlé sans penser, comme des gens qui mangeroient à vuide, & feroient semblant de manger en périssant d’inanition. […] On désireroit seulement que l’auteur entassât moins de comparaisons l’une sur l’autre ; qu’il affectât moins d’user de quelques termes de physique ingénieusement appliqués, mais trop abstraits pour bien des lecteurs, & vicieux par la seule affectation ; qu’enfin il eût moins employé de ces expressions parasites, ou de ces mots à la mode que les petits écrivains ne manquent pas de copier, mais dont se préservent ceux qui sçavent écrire & penser d’après eux-mêmes. […] Alors les récompenses qu’elles donnent seroient vraiment utiles ; car je ne pense point comme certains censeurs atrabilaires, que les prix distribués par les Académies n’ont servi à rien.