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1041. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

C’est sans doute lorsqu’on vint le tenter d’en donner une édition complète, qu’effrayé de cet éclat, il fit ces vers, en manière de préface, pour cette édition qu’il ne devait pas voir : Si j’eusse osé penser qu’en ce temps-ci De tant d’esprits illustres eclairci On eust daigné recueillir et escrire Les tristes plaints de l’amoureux souci Que je faisois pour implorer merci De celle-là dont je n’eus que martire : J’eusse tâché de plus près à les dire D’un stile tel, qu’aucun les eust pu lire En patience et peut-estre en plaisir. […] Richelet93, louant Ronsard « d’avoir esté l’essaim et toute la nichée des plus belles fleurs de l’antiquité », flattait son poëte à l’endroit le plus sensible, mais ne disait que ce que tous les contemporains en avaient pensé. […] Où il est imitateur, ce n’est pas ce peintre de Du Bellay qui, en face d’un exemplaire déjà représenté par un autre, rencontre les mêmes linéaments ; c‘est un copiste qui reproduit un portrait déjà fait, à quelques ajustements près par lesquels il pense se l’approprier. […] Enfin, c’est encore par des moyens matériels qu’il pensait rendre harmonieuse cette langue que les cicéroniens et les Italiens trouvaient barbare. […] Exemple unique d’une faveur si universelle et si constante, pensa-t-il donc que la gloire qui doit durer ne s’acquiert pas si facilement ?

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