/ 3271
536. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Cette situation singulière décida dès l’enfance du tour de ses pensées, et donna le pli à son âme. […] Ce piège, c’était de ne pouvoir plus vivre qu’en vue de la Cour, sous le regard et le rayon du maître, n’attendant, n’espérant rien que de lui, lui sacrifiant tout son être, et ne subsistant que de sa présence : voilà l’unique but de d’Antin, comme l’amoureux qui n’a de pensées que pour sa maîtresse, comme le dévot qui n’a d’autre fin que son Dieu. […] En voyant ces deux aspects d’un même personnage, je mettais en regard dans ma pensée les deux portraits que Saint-Simon a tracés également de d’Antin, l’un au début (t.  […] Cette pensée seule est honorable ; et, même lorsqu’elle demeure inutile et vaine comme elle le fut ici, elle témoigne d’un effort non vulgaire. […] Au xixe  siècle, dans ce monde positif et où, de plus en plus, la pensée spiritualiste est comme naturellement absente, je doute que, parmi ces victimes de la fortune, ces déchus du pouvoir, comme nous en voyons si souvent, il en soit beaucoup, il en soit un seul qui ait de telles idées de retraite intime et de recours à la pensée de l’éternité.

/ 3271