Le premier moment, celui qui date de la renaissance de la société française avec le Consulat, ne mérite qu’éloge, et si on se reporte aux espérances du point de départ, la comparaison avec certains des résultats obtenus est bien faite pour donner aux esprits sérieux et animés de nobles pensées sociales d’éternels regrets. De même que ceux qui voulaient la délivrance et la liberté en 89, eurent un moment d’ineffable joie et d’espérance trop tôt déçue, trop tôt souillée par des excès, et qu’ils virent le plus cher de leurs vœux se tourner en mécompte, de même bien des esprits sages, modérés, tolérants ou même religieux de sentiment et d’intention, ouverts à la haute pensée de la civilisation renaissante, qui se réjouirent de la réconciliation de la religion et de la société en 1801, et qui y poussèrent ou y applaudirent, eurent bientôt à revenir de cette satisfaction première, et quelques-uns, s’ils vécurent assez, purent douter s’ils n’avaient pas erré. […] Ailleurs ils éveillèrent de la curiosité, et rencontrèrent sympathie même, chez quelques esprits libéraux et indépendants, qui n’avaient pas renoncé à la pensée religieuse première, retrouvée par le siècle en son berceau. […] D’autres enfin, qui n’ont rien trahi parce qu’ils n’avaient rien promis, parce que leurs paroles n’excédaient pas leur pensée et que les réserves y étaient toujours présentes, et qui ne prétendirent guère jamais voir dans ces combinaisons réputées divines que les plus belles des espérances humaines, ont passé graduellement à l’observation, à la science, n’espérant plus que de là, tout bien considéré, la réalisation, bien lente et bien incomplète toujours, de ce qui doit affranchir notre espèce de ses lourds et derniers servages. Mais que chez tous du moins, chez ceux qui survivent, toutes les fois que la pensée se reporte en arrière, il y ait quelque chose qui arrête sur le penchant de l’entière rupture et qui tempère les luttes présentes.