/ 3271
1060. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Alors, dans son cerveau lamentable, la Foi vorace s’installait, comme les oiseaux de proie dans les carcasses de chameaux qui jonchent les routes des Saharas… » Et maintenant, c’est « là-haut », dans sa pensée solitaire, qu’il vit exclusivement, « hors de la vie », avec « la mystique sensation de la présence et de l’étreinte divines », ayant même réfréné les tendresses mystiques de son adolescence, tout plein de l’austère joie de se sentir élu, dans la fière sincérité de son vœu. « Ce lui était une béatitude fervente et triste, comme la pâmoison des imaginaires sensualités, dans ce que les théologiens appellent la délectation morose. […] Pour suppléer à l’absence de pensée, on lui donne la foi, c’est-à-dire l’obligation de croire aveuglément tout ce que le séminaire enseigne comme étant la vérité. […] On l’a châtré de toute énergie, de tout désir, de toute initiative, de toute volonté, de toute pensée ; on lui a enseigné que l’obéissance était la vertu suprême, et la pensée libre le vice suprême ; on a fait de lui une machine, un organisme muet et soumis, dont la raison d’être est de ne pas penser pour croire. […] Or, le prêtre, hors nature et hors pensée, répond admirablement à cet idéal. […] Et j’attends l’heure prochaine où il prononcera à son tour non plus la vieille prière de mendicité : « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien », mais l’invocation superbe de l’homme à sa propre énergie : « Je veux prendre chaque jour, sans souci des maîtres ni des dieux, le pain de la chair et le pain de la pensée dans la lumière, dans la force et dans la joie %100 ».‌

/ 3271