Des faits ici, toujours des faits, il n’y a rien autre chose ; le Français veut savoir si le héros tuera le traître, si l’amant épousera la demoiselle ; ne le retardez pas dans la poésie ni les peintures. […] — Tu chantes bien, coucou. — Ne cesse pas maintenant de chanter120. » Voilà des peintures riantes, comme en fait en ce moment Guillaume de Lorris, même plus riches et plus vivantes, peut-être parce que le poëte a trouvé ici pour soutien le sentiment de la campagne qui, en ce pays, est profond et national. […] Voyez cette peinture du vaisseau qui amène en Angleterre la mère du roi Richard : « Le gouvernail était d’or pur ; — le mât était d’ivoire ; — les cordes de vraie soie, — aussi blanches que le lait, — la voile était en velours. — Ce noble vaisseau était, en dehors, tout tendu de draperies d’or… — Il y avait dans ce vaisseau — des chevaliers et des dames de grande puissance ; — et dedans était une dame — brillante comme le soleil à travers le verre128. » En pareils sujets ils ne tarissent jamais. […] » Et les pourritures arrivent, les pustules, les pestes, les douleurs perçantes : la Mort accourt, « brisant tout en poussière, — rois et chevaliers, empereurs et papes. — Maint seigneur qui vivait pour le plaisir, cria haut, — mainte aimable dame, et maîtresse de chevaliers, — pâma et mourut dolente par les dents de la Mort166. » Ce sont là des entassements de misères pareils à ceux que Milton a étalés dans sa vision de la vie humaine167 ; ce sont là les tragiques peintures et les émotions dans lesquelles se complairont les réformateurs ; il y a tel discours de Knox aux dames galantes de Marie Stuart, qui arrache aussi brutalement la parure du cadavre humain pour en montrer l’ignominie. […] Voir, entre autres peintures de mœurs, les premiers récits de la première croisade : Godefroy fend un Sarrasin jusqu’à la ceinture. — En Palestine, une veuve était obligée, jusqu’à soixante ans, de se marier, parce que nul fief ne pouvait rester sans défenseur. — Un chef espagnol dit à ses hommes épuisés, après une bataille : « Vous êtes trop las et trop blessés ; mais venez vous battre avec moi contre cette autre troupe ; les blessures fraîches que nous recevrons nous feront oublier celles que nous avons reçues. » — En ce temps-là, dit la Chronique générale d’Espagne, les rois, comtes et nobles, et tous les chevaliers, afin d’être prêts à toute heure, tenaient leurs chevaux dans la salle où ils couchaient avec leurs femmes.