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28. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

J’ai supposé que le sang de celui qui compose s’échauffât ; car les peintres et les poëtes ne peuvent inventer de sang froid : on sçait bien qu’ils entrent en une espece d’entousiasme, lorsqu’ils produisent leurs idées. […] Le génie est ce feu qui éleve les peintres au-dessus d’eux-mêmes, qui leur fait mettre de l’ame dans leurs figures, et du mouvement dans leurs compositions. […] Heureux les peintres et les poëtes, qui ont plus d’empire sur leur génie que les autres, qui sortent de leur enthousiasme en quittant le travail, et qui n’apportent point dans la societé l’yvresse du Parnasse. […] Mais les hommes nez pour être de grands peintres ou de grands poëtes, ne sont point de ceux, s’il est permis de parler ainsi, qui ne sçauroient se produire que sous le bon plaisir de la fortune. […] Ainsi Raphaël instruit par un peintre médiocre, mais soûtenu par son génie, s’éleva fort au-dessus de son maître, après quelques années de travail.

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