Car la géographie, surtout, enseigne la sagesse, cette saine appréciation des choses mortelles ; et, quand on voit dans l’Atlas géographique et historique ces grands déserts qui furent des empires, ces vides immenses qui ne pouvaient jadis contenir leur population, et qui débordaient en colonies inépuisables pour aller peupler des continents nouveaux ; quand on voit la place de ces fourmilières de peuples marquée seulement par un nom à déchiffrer sur un monolithe couché dans le sable, on se demande si c’était, pour ces torrents d’hommes engloutis, la peine de naître, de vivre, de combattre et de mourir sur la terre, et on se répond avec tristesse : Non, l’humanité n’est que l’ombre d’un nuage qui passe sur ce petit globe, encore trop grand et trop permanent pour elle, entre deux soleils, et, quand elle a été, c’est comme si elle n’avait pas été ! Vaut-il la peine d’écrire son histoire ? Vaut-il la peine de dessiner sa trace ? Vaut-il la peine de conserver les dix ou douze grands noms en qui elle se résume pendant deux ou trois mille ans, et qu’elle perd même en poursuivant sa route dans le brouillard de la distance ? Encore une fois, non, elle n’en vaut pas la peine, si on considère seulement l’humanité au point de vue de son passage rapide sur ce globe.