Mais le talent consiste à savoir respecter les vrais préceptes du goût, en introduisant dans notre littérature tout ce qu’il y a de beau, de sublime, de touchant, dans la nature sombre, que les écrivains du Nord ont su peindre ; et si c’est ignorer l’art que de vouloir faire adopter en France toutes les incohérences des tragiques anglais et allemands, il faut être insensible au génie de l’éloquence, il faut être à jamais privé du talent d’émouvoir fortement les âmes, pour ne pas admirer ce qu’il y a de passionné dans les affections, ce qu’il y a de profond dans les pensées que ces habitants du Nord savent éprouver et transmettre. […] Si l’on joint à ces deux exemples ceux que l’on trouvera cités dans ce livre, si l’on examine avec soin tous les ouvrages de l’antiquité, l’on verra qu’il n’en est pas un qui ne confirme la supériorité des Romains sur les Grecs, de Tibulle sur Anacréon, de Virgile sur Homère dans tout ce qui tient à la sensibilité ; et l’on verra de même que Racine, Voltaire, Pope, Rousseau, Goethe, etc. ont peint l’amour avec une sorte de délicatesse, de culte, de mélancolie et de dévouement qui devait être tout à fait étrangère aux mœurs, aux lois et au caractère des anciens.