Ce n’est pas avec une vertueuse sensibilité que ces poètes nous peignent la passagère destinée de l’homme ; si leur âme se montrait capable d’émotions profondes, on leur demanderait de combattre la tyrannie, au lieu de chanter l’usurpateur. […] Des vers de Tibulle à Délie, le quatrième chant de l’Énéide, Ceyx et Alcione, Philémon et Baucis, peignent les sentiments de l’âme avec cette langue des Latins dont le caractère est si imposant. […] Lorsque je parlerai de la littérature des modernes, et en particulier de celle du dix-huitième siècle, où l’amour a été peint dans Tancrède, La Nouvelle Héloïse, Werther et les poètes anglais, etc., je montrerai comment le talent exprime avec d’autant plus de force et de chaleur les affections sensibles, que la réflexion et la philosophie ont élevé plus haut la pensée. […] Mais ces historiens ne peignent, pour ainsi dire, que l’extérieur de la vie. […] Je choisis dans Virgile, le poète du monde où l’on peut trouver le plus de vers sensibles, ceux qui peignent la tendresse paternelle ; car il faut pour attendrir, sans employer la langue de l’amour, une sensibilité beaucoup plus profonde.