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426. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Il ne pouvait pas être un succès uni comme le plat de la main, facile à enlever comme un ballon dans lequel il n’y a personne, fluant, sans rencontrer d’obstacle, comme une inondation de bêtise satisfaite rappelant, par exemple, le grand succès de feu Ponsard, dont la Lucrèce fut d’abord un succès de lecture dans je ne sais plus quel salon et qui devint célèbre du soir au matin, tant cet adorable médiocre de Ponsard était délicieusement en accord parfait avec la médiocrité universelle, qui décide de tout dans un pays où la majorité fait loi. […] Maurice Rollinat, trois fois poète, l’était deux fois trop dans un pays où c’est même souvent trop que de l’être une fois. […] Seulement, en Angleterre, pays fortement hiérarchisé où l’orgueil supprime la vanité et où la supériorité n’est pas une insulte, tant l’orgueil doublant leur égoïsme fondamental rend les Anglais contents d’eux-mêmes, cela n’avait pas d’inconvénient et n’offensait personne, tandis qu’en France cela devait, en y pensant bien, blesser tout le monde. […] Maurice Rollinat était trop du pays bleu des poètes pour ne pas s’enivrer de son bonheur et ne pas se fier aux sympathies de gens qui ne voulaient se servir de lui que comme d’un plumet pour leurs journaux· Ils lui avaient, pour leur compte, préparé et arrangé des exhibitions qu’il croyait nécessaires, puisqu’il était musicien et qu’il faut bien prendre les oreilles dont on a besoin où elles sont… À présent, il en a fini de ces exhibitions dont il a senti le dégoût.

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