[Le Pays, 26 juin 1860.] […] Mais la vie du grand Amiral n’a pas été que sa fonction, et son individualité est plus compliquée… Ce héros et presque ce saint du pays des Excentricités profondes, a des singularités qui semblent incompréhensibles. […] Profondément religieux d’éducation et de nature, il fut puritain et adultère dans un pays puritain, avec un éclat près duquel l’éclat des désordres de Lord Byron s’efface. […] Après avoir traversé le bonheur incomparable d’un mariage d’amour, après avoir aimé sa femme comme on aime sa femme en Angleterre, le pays conjugal, le pays de l’amour at home, il devint adultère, et, une fois qu’il le fut, il le fut toujours ; car le mal et le bien se partageaient son âme, et l’homme autrefois si fidèle et si tendre qu’il avait été, transporta dans l’adultère la fidélité et la tendresse. […] Avec cette profondeur de tendresse qui lui fut sa Fatalité, avec sa rêverie amoureuse de la mort, même dans la vie la plus intense de sa gloire, avec cette fantaisie si noire qui plaça de si bonne heure dans sa chambre le cercueil où il se rêvait et coupa, dans le combat même, sur la tête d’un ami, des cheveux pour en tapisser ce cercueil, Nelson, le Mélancolique intrépide, est bien du pays de Shakespeare et méritait, certes !