» Quand on voit, au seul point de vue moral, de telles métamorphoses, on maudit les révolutions, on les redoute, non pas pour sa vie, mais pour son propre caractère ; on se demande si l’on n’aurait point en soi quelque travers, quelque fausse vue ou quelque passion maligne, quelque fanatisme caché, qu’elles se chargeraient de développer ensuite et de mettre en lumière pour notre abaissement et notre honte. […] Necker avait écrit l’éloge : « Comme de l’admiration à l’imitation, dit-il, il n’y a qu’un pas, je me rappelle avec tremblement que Colbert commença son ministère par une banqueroute et le finit par de la fausse monnaie. » Le bon sens de Voltaire se révolte pourtant à une telle injustice, et il rappelle Condorcet à l’ordre : « Je n’ai jamais été de l’avis de ceux qui dénigrent Jean-Baptiste (Colbert)… » Mais on entrevoit déjà un coin de jugement faux chez Condorcet, car ce n’est qu’un esprit en partie faussé par la passion et par le système, qui peut comparer M. […] Condorcet avait, je l’accorde, la passion et la religion du bonheur du genre humain ; cela ne suffit pas. […] Mais les passions des masses, une fois émues, n’obéissent pas ainsi au mot d’ordre des philosophes.