Aussi les passions principales que touche Homère, sont-elles conformes à la durée de son poème et à la nature de l’homme, considéré comme lecteur ; c’est la joie, la curiosité et l’admiration, passions douces, qui peuvent attacher longtemps le cœur sans le fatiguer : au lieu que la terreur, l’indignation, la haine, la compassion, et quantité d’autres dont la vivacité peut épuiser l’âme, ne sont traitées dans l’Iliade qu’en passant, et toujours avec subordination aux passions modérées qu’on y voit régner. […] Ce raisonnement, au reste, est fondé sur la nature des passions mêmes. […] Une passion bien imitée trouve aussi aisément entrée dans le cœur humain, parce qu’elle va trouver les mêmes ressorts pour les ébranler, avec cette différence remarquable qui a sans doute frappé Eschyle : c’est que les passions feintes nous procurent un plaisir, au lieu que les passions véritables ne nous donnent qu’une satisfaction légère et noyée dans une grande amertume. […] L’art une fois découvert fait évanouir tout le charme : c’est par le choc violent des passions, qu’on vient particulièrement à bout de sauver l’art. […] Piqué par le concours de différents projets et de diverses passions dont on a mêlé le jeu, il attend la main qui doit délier le nœud gordien.