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763. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

*                                   Du côté de l’aurore, L’esprit de l’Orestie, avec un fauve bruit, Passait ; en même temps, du côté de la nuit, Noir génie effaré fuyant dans une éclipse, Formidable, venait l’immense Apocalypse ; Et leur double tonnerre à travers la vapeur, À ma droite, à ma gauche, approchait, et j’eus peur Comme si j’étais pris entre deux chars de l’ombre. Ils passèrent. […] * Lorsque je la revis, après que les deux anges L’eurent brisée au choc de leurs ailes étranges, Ce n’était plus ce mur prodigieux, complet, Où le destin avec l’infini s’accouplait, Où tous les temps groupés se rattachaient au nôtre, Où les siècles pouvaient s’interroger l’un l’autre Sans que pas un fît faute et manquât à l’appel ; Au lieu d’un continent, c’était un archipel ; Au lieu d’un univers, c’était un cimetière ; Par places se dressait quelque lugubre pierre, Quelque pilier debout, ne soutenant plus rien ; Tous les siècles tronqués gisaient ; plus de lien ; Chaque époque pendait démantelée ; aucune N’était sans déchirure et n’était sans lacune ; Et partout croupissaient sur le passé détruit Des stagnations d’ombre et des flaques de nuit. […] Et qu’est-ce maintenant que ce livre, traduit Du passé, du tombeau, du gouffre et de la nuit ?

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