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1364. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Mais chacun lit avec son humeur et avec son imagination encore plus qu’avec son jugement, et ce qui est si bien raconté séduit, bien que la chose racontée soit fort laide, et que le narrateur, après le premier moment d’enthousiasme passé, ne prétende pas à l’embellir. […] Il résiste absolument à l’idée de se passer du Parlement ou de l’écraser par le peuple, de le purger violemment comme quelques-uns le conseillaient. […] Après que la première Fronde fut apaisée, et avant que la seconde éclatât, Retz semble avoir eu par moments des intentions sincères de se ranger, de redevenir honnête homme et fidèle sujet ; mais sa réputation passée pesait sur lui autant que les habitudes prises, et le rengageait bientôt dans les voies de la sédition. […] On lui en sut peu de gré, et, sa réputation passée s’attachant à lui, non sans cause, on le traita purement en politique, c’est-à-dire qu’après s’être servi de lui dans le premier moment, on l’emprisonna dans le second. […] Nous approchons d’une époque de vœux et de souhaits ; je ferai le mien : Puissent tous les factieux, tous les agitateurs, tous ceux qui ont passé leur vie à remuer les parlements et les peuples, finir aussi doucement, aussi décemment que le cardinal de Retz, se ranger comme lui sous la loi de la nécessité et du temps, jouer comme lui en vieillissant au whist, au cartésianisme, à la philosophie de leur temps (s’il y a encore de la philosophie), rester ou redevenir parfaitement aimables, causer avec des Sévigné s’ils en rencontrent, et, en écrivant leurs mémoires, les remplir des maximes de leur expérience, les rendre piquants, amusants, instructifs, mais pas tellement entraînants toutefois qu’ils donnent envie après eux de les imiter et de recommencer de plus belle !

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