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445. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Dans sa Tentation de saint Antoine, il fait partout ce que les enfants font sur les murs, et cela lui est d’autant plus facile que, son mur, c’est l’imagination de saint Antoine, et que sur ce mur-là il peut peindre tout ce qu’il veut : il est dans le rêve, le cauchemar, l’hallucination, la folie ! […] Je n’en peux citer davantage, parce que, partout, dans cette Tentation de saint Antoine, les images lascives et les gros mots obscènes abondent, et qu’où le livre, fait pour quelques-uns, peut avoir son audace, le journal, fait pour tous, doit avoir sa pudeur. […] Il avait pour les bourgeois la haine et le mépris des Rapins… Partout dans ses ouvrages on retrouve cette obsession, ou plutôt cette possession du bourgeois. […] Si elles ont épuisé sa vie, on ne le sait pas, mais, assurément, on peut dire qu’elles ont épuisé son talent… Cette forte et copieuse purgation qu’il a prise et rendue, dans son livre de Bouvard et Pécuchet, contre les bourgeois qui étaient ses éternelles humeurs peccantes, l’a vidé cruellement du talent qu’il avait, mais ne l’avait pas cependant entièrement débarrassé de ses humeurs et de ses haines contre les bourgeois, et, partout et toujours, il en mugissait comme un buffle irrité.

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