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810. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Quarante ou cinquante personnes, disait la duchesse du Maine, sont « le particulier d’une princesse194 ». […] Telle est celle du duc de Gesvres, premier gentilhomme de la chambre, gouverneur de Paris et de l’Ile-de-France, ayant en outre les gouvernements particuliers de Laon, de Soissons, de Noyon, de Crépy en Valois, la capitainerie de Mousseaux et vingt mille livres de pension, véritable homme de cour, sorte d’exemplaire en haut relief des gens de sa classe, et qui, par ses charges, sa faveur, son luxe, ses dettes, sa considération, ses goûts, ses occupations et son tour d’esprit, nous représente en abrégé tout le beau monde196. Sa mémoire est étonnante pour les parentés et les généalogies ; il possède à fond la science précieuse de l’étiquette ; à ces deux titres, il est un oracle et très consulté. « Il a beaucoup augmenté la beauté de sa maison et de ses jardins à Saint-Ouen. » — « Au moment de mourir, dit M. de Luynes, il venait d’y ajouter vingt-cinq arpents qu’il avait commencé à faire enfermer dans une terrasse revêtue… Il avait une maison considérable en gentilshommes, pages, domestiques de toute espèce, et faisait une dépense prodigieuse… Il avait tous les jours un grand dîner… Il donnait presque tous les jours des audiences particulières. […] Le repas qu’il a donné à Versailles au premier conseil qu’il a tenu a coûté 6 000 livres, et il lui faut toujours à Versailles et à Paris une table d’environ vingt couverts »  À Chambord207 le maréchal de Saxe a tous les jours deux tables, l’une de 60, l’autre de 80 couverts, 400 chevaux dans ses écuries, une liste civile de plus de 100 000 écus, un régiment de hulans pour sa garde, un théâtre qui a coûté plus de 600 000 livres, et la vie qu’il mène ou qu’on mène autour de lui ressemble à une bacchanale de Rubens  Quant aux gouverneurs généraux ou particuliers en province, on a vu que, lorsqu’ils y résident, ils n’ont d’autre emploi que de recevoir ; à côté d’eux, l’intendant qui fait seul les affaires, reçoit aussi et magnifiquement, surtout dans les pays d’États. […] Au couvent d’Origny, près de Saint-Quentin212, « l’abbesse a des domestiques, une voiture, des chevaux, reçoit en visite et à dîner les hommes dans son appartement. » — La princesse Christine, abbesse de Remiremont, et ses dames chanoinesses sont presque toujours en route ; et pourtant « on s’amuse à l’abbaye », on y reçoit quantité de monde « dans les appartements particuliers de la princesse et dans les appartements des étrangers213 ».

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