II Prendre conscience de soi-même, de sa destinée particulière d’abord, et ensuite de son époque, je ne sais pas, à l’heure actuelle, de problème plus embarrassant pour un jeune Français. […] Son hérédité particulière reproduit en petit l’hérédité même de la race française, de qui la substance première, d’origine celtique, fut constamment régénérée par la vigueur et la grâce de l’esprit latin. […] Et sachant que le petit reproduit le grand, et le particulier le général, comme le phénomène contient la loi, il détacha du grand arbre des races une grappe humaine, forte, gonflée de vie et de soleil. […] De même que Napoléon Bonaparte sut accaparer à son profit et finit par incarner la Révolution française, Victor Hugo, peu à peu, parvint à confondre ses destinées particulières avec celles du Romantisme. […] Mais, voyez-vous, mon cher critique, on l’a dit excellemment, — et c’est la sagesse des poètes qui l’affirme : Il n’y a que de beaux vers et de mauvais vers, — il n’y a que de bons et de mauvais écrivains que l’on reconnaît à leur don d’exprimer la vie, créée en eux, reflétée, ou vue simplement à travers leur tempérament particulier, — car les idées évoluant selon l’ombre ou la lumière des âges sont communes à tous les hommes, et le génie se révèle par l’empreinte qu’il laisse au front des mots choisis pour les formuler !