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2040. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Chacun d’eux a sa qualité particulière et saillante : tel narre avec une abondance qui entraîne ; tel autre narre sans suite, va par saillies et par bonds, mais, en passant, trace en quelques traits des figures qui ne s’effacent jamais de la mémoire des hommes ; tel autre enfin, moins abondant ou moins habile à peindre, mais plus calme, plus discret, pénètre d’un œil auquel rien n’échappe dans la profondeur des événements humains, et les éclaire d’une éternelle clarté. […] N’ayant aucune opinion bien arrêtée, seulement une modération naturelle qui répugnait à toutes les exagérations ; s’appropriant à l’instant même les idées de ceux auxquels il voulait plaire par goût ou par intérêt ; s’exprimant dans un langage unique, particulier à cette société dont Voltaire avait été l’instituteur ; plein de réparties vives, poignantes, qui le rendaient redoutable autant qu’il était attrayant ; tour à tour caressant ou dédaigneux, démonstratif ou impénétrable, nonchalant, digne, boiteux sans y perdre de sa grâce, personnage enfin des plus singuliers et tel qu’une révolution seule en peut produire, il était le plus séduisant des négociateurs, mais en même temps incapable de diriger comme chef les affaires d’un grand État ; car, pour diriger, il faut de la volonté, des vues et du travail, et il n’avait aucune de ces choses.

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