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945. (1864) Études sur Shakespeare

Ni l’une ni l’autre des opinions en présence n’offrait à la lâcheté, qui se révèle si abondamment dans les jours difficiles, le refuge d’un parti vainqueur. Le dogme de l’obéissance politique était le seul auquel se pussent rallier avec quelque zèle les consciences dociles ; et, parmi les adhérents sincères de l’une ou de l’autre foi, les espérances de triomphe que laissait à chaque parti une situation si bizarre retenaient encore dans l’inaction ces courages timides que la tyrannie, pour les forcer à la résistance, est contrainte d’aller chercher jusque dans leurs derniers retranchements. […] L’ardeur du martyre n’eut, dans aucun des deux partis, le temps de se nourrir ni de s’étendre ; et si le parti de la réforme, déjà plus puissant sur les esprits, plus persévérant, plus éclatant par le nombre et le courage de ses martyrs, marchait évidemment vers une victoire définitive, le succès qu’il avait obtenu à l’avènement d’Élisabeth lui donnait plutôt le loisir de se préparer à de nouveaux combats, que le pouvoir de les engager aussitôt et de les rendre décisifs. […] Les démêlés de l’Angleterre avec les cours de Rome et de Madrid, quelques conspirations intérieures et les sévérités qu’elles entraînèrent, élevaient successivement, entre les deux partis, de nouveaux motifs d’animosité ; cependant l’intérêt religieux dominait si peu tous les sentiments qu’en 1569 Élisabeth, l’enfant de la réforme, mais précieuse à ses peuples comme le gage du repos et du bonheur public, trouva la plupart de ses sujets catholiques pleins d’ardeur pour l’aider à réprimer la révolte catholique d’une portion du nord de l’Angleterre. […] Macbeth a bien pris son parti sur le crime ; aucun fil ne retient plus ses actions à la vertu ; et cependant qui peut douter que, dans le caractère de Macbeth, à côté des passions qui poussent au crime n’existent encore les penchants qui font la vertu ?

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