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262. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Ses Mémoires d’outre-tombe, qu’il écrivait alors, avaient une page pour un parti, un revers de page pour l’autre : livre-Janus qui louche à force de vouloir regarder trop d’horizons à la fois. […] Je voulais prévenir l’élimination en ne prétendant pas à la faveur ; de plus je n’ai jamais aimé les conciliabules d’invités ; je suis un homme de plein air ; l’esprit de parti m’asphyxie ; je ne puis le respirer, ni en religion, ni en politique, ni en littérature. […] XVI Il y avait le salon de madame de Montcalm, sœur du duc de Richelieu et centre de son parti politique ; ce parti, c’était l’aristocratie intelligente, ralliée à la Révolution raisonnable, une égalité par le talent ; l’aristocratie de l’honneur, c’était son drapeau ; on y respirait un air doux et tempéré comme le caractère de la maîtresse de maison ; la fine et gracieuse figure de madame de Montcalm, retenue, quoique jeune encore, sur son canapé, y présidait avec un accueil qui n’avait rien de banal ; ses goûts étaient des amitiés vives ; ses opinions devenaient des sentiments ; on voyait défiler devant ce canapé tous les hommes éloquents et sages qui auraient pu réconcilier la Restauration avec la liberté. […] La maîtresse de la maison, quoique très jeune et très gracieuse, ne permettait pas à l’esprit de parti d’y prévaloir sur l’esprit d’agrément ; on y rencontrait, sans acception d’opinion, tous les hommes de tout âge qui avaient un nom dans les lettres ou dans la politique, ou qui cherchaient une avant-scène à leur talent. […] Un triple cercle de femmes, presque toutes femmes de cour, femmes de lettres ou chefs de partis politiques divers, occupait le milieu du salon.

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