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223. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Portalis, durant l’exil qui suivit la proscription de Fructidor, âgé pour lors de cinquante-quatre ans, pouvait écrire à un ami en toute vérité : Je ne dis point la sagesse, mais le hasard du moins a fait que je n’ai appartenu à aucun parti, et qu’en conséquence j’ai toujours été mieux placé pour bien voir et bien juger. […] Le premier de ces écrits, intitulé : Des préjugés (1762), indique un esprit tourné par goût aux considérations morales ; c’est comme un chapitre des Essais de Nicole, dans lequel sont distingués les préjugés de divers genre et de diverse nature : les préjugés d’usage et de société, ceux de parti, ceux qui tiennent au siècle, etc. […] Il sort bientôt du cercle étroit que lui prescrit le dogme, pour entrer dans les régions immenses que lui ouvre l’opinion. » Le jeune homme, nourri dans la tradition et dans la pratique religieuse, paraît préoccupé des querelles et des dissensions théologiques qui agitaient encore à ce moment plusieurs classes de la société : « Un enthousiaste, dit-il spirituellement, ne cherche point dans les ouvrages divins ce qu’il faut croire, mais ce qu’il croit ; il n’y démêle point ce qui s’y trouve, mais ce qu’il y cherche… Les livres sacrés sont comme un pays où les hommes de tous les partis vont comme au pillage, où ils s’attaquent souvent avec les mêmes armes et livrent bien des combats d’où tous croient sortir également victorieux69. » On devine, à la manière dont il parle du « judicieux abbé Fleury », qu’il n’est disposé à donner dans aucun extrême en fait de doctrine ecclésiastique, de même qu’on le trouve très en garde contre les écrits de Rousseau. […] Ce n’était pas seulement l’esprit d’humanité, c’était aussi l’esprit de parti qui s’emparait à l’instant de ces belles paroles de Portalis.

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