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647. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

N’ayant à sa disposition, comme les premiers apôtres, que le conseil et la parole, l’Institut fit reculer devant lui cette vaste mer de l’hérésie qui débordait et mugissait sur le monde à moitié envahi. […] Il semblait, par sa volonté, par sa parole et par sa beauté puissante et majestueuse, être l’expression vivante de la force de son gouvernement. […] Une nuit, n’en pouvant plus, succombant sous la fascination de sa propre parole invoquée sans cesse contre lui, Clément XIV signait au crayon, sur une fenêtre du Quirinal, le bref Dominus ac Redemptor noster, qui supprimait l’Institut de Saint-Ignace. […] Nul murmure ne s’éleva, nulle plainte, nulle parole qui sentît le dernier orgueil qui périt dans l’homme : — l’orgueil des services qu’il a rendus. […] Réfléchissez aux conséquences de notre suppression, aux événements qui se succèdent chaque jour, et jugez s’il pouvait commencer à le faire d’une manière plus éclatante. » Telles sont les paroles de ces hommes à qui on prenait plus que la vie ; car pour des hommes qui croient en eux-mêmes et à ce qu’ils font, il y a plus que la vie : c’est l’influence qu’on perd, l’action qu’on vous défend, la direction qu’on vous arrache !

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