Dans une admirable lettre datée de Chambéry, où il raconte à Deleyre sa visite à la Grande-Chartreuse, il revient sur ses pertes cruelles, et il en parle avec des paroles de Job dans l’abondance de sa douleur : « J’ai semé, mon cher ami ; qu’ai-je recueilli ? […] mon cher ami, reposons toujours notre tête fatiguée sur ce chevet d’une bonne conscience ; si nous l’arrosons de quelques larmes, ces larmes du moins n’auront rien d’amer. » Un des mérites de Ducis est d’avoir devancé sur bien des points l’école qui a suivi, et, en même temps que des paroles antiques, d’avoir eu des accents précurseurs. […] Mais ce n’est point une doctrine suivie et un trop exact raisonnement qu’on doit chercher dans la familiarité du vieux poète : ce sont des sentiments, un souffle moral élevé, des éclats d’imagination antique et jeune à la fois, de grandes paroles ; et elles ne font faute jusqu’à la fin sous sa plume et sur ses lèvres ; elles abondent de plus en plus avec les années, comme les flocons de neige dont parle Homère et auxquels il compare les paroles tombantes de Nestor. […] Je vis M. de Saint-Pierre seul dans son allée (aux Tuileries) ; mais il ne m’aperçut pas, et je ne lui adressai pas la parole.