Beaux diseurs de secrets, vous perdiez un mystère Échappé de Paris pour ce cher entretien : Les paroles allaient tomber dans la fougère, Et le salon ne saura rien. […] Ainsi, pour la série des Coulisses, l’idée mère, c’est un contraste perpétuel entre ce qui se joue à haute voix devant le public et ce qui se dit de près au même moment entre acteurs, — comme quand Talma, par exemple, en pleine tragédie de Manlius, embrassé avec transport par son ami Servilius, lui disait à l’oreille : « Prenez garde de m’ôter mon rouge. » — Ainsi pour la série des Musiciens comiques ou des Physionomies de chanteurs, c’est le contraste et la disparate entre les paroles du chant ou la nature de l’instrument et la taille ou la mine du musicien, du chanteur ou de la cantatrice (une grosse femme chantant langoureusement : Si fêtais la brise du soir !). […] Supposez que, du premier ou du second étage, vous regardiez dans la cour deux personnes qui causent : vous voyez leurs gestes, leur jeu de physionomie, et vous n’entendez qu’imparfaitement leurs paroles ; elles ne vous arrivent qu’en bruit confus. Or, il s’agit de trouver, de ressaisir exactement ce propos, et à l’endroit le plus intéressant, le plus significatif. — J’ai vu ou entrevu autrefois en Suisse un bien savant homme et des plus sagaces, M. de Gingins ; il était sourd, mais complètement sourd, comme une souche ou un rocher ; de jour, dans le tête-à-tête, personne ne s’en serait douté ; il en était venu, à force de finesse, à deviner les paroles au mouvement des lèvres. […] Gavarni fait avec ses personnages, pour ses légendes, ce que M. de Gingins faisait pour le dialogue avec son interlocuteur : il met sur leurs lèvres les paroles qui en doivent naturellement et nécessairement sortir.