Je cite les propres paroles de Mill ; elles sont si nettes, qu’il faut se donner le plaisir de les méditer. […] Écoutez ces fortes paroles : « Je suis convaincu que si un homme, habitué à l’abstraction et à l’analyse, exerçait loyalement ses facultés à cet effet, il ne trouverait point de difficulté, quand son imagination aurait pris le pli, à concevoir qu’en certains endroits, par exemple dans un des firmaments dont l’astronomie sidérale compose à présent l’univers, les événements puissent se succéder au hasard, sans aucune loi fixe ; et rien, ni dans notre expérience, ni dans notre constitution mentale, ne nous fournit une raison suffisante, ni même une raison quelconque pour croire que cela n’a lieu nulle part1514. » Pratiquement, nous pouvons nous fier à une loi si bien établie ; mais « dans les parties lointaines des régions stellaires, où les phénomènes peuvent être entièrement différents de ceux que nous connaissons, ce serait folie d’affirmer hardiment le règne de cette loi générale, comme ce serait folie d’affirmer pour là-bas le règne des lois spéciales qui se maintiennent universellement exactes sur notre planète1515. » Nous sommes donc chassés irrévocablement de l’infini ; nos facultés et nos assertions n’y peuvent rien atteindre ; nous restons confinés dans un tout petit cercle ; notre esprit ne porte pas au-delà de son expérience ; nous ne pouvons établir entre les faits aucune liaison universelle et nécessaire ; peut-être même n’existe-t-il entre les faits aucune liaison universelle et nécessaire.