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630. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Molé n’en parlait jamais autrement, et c’est ainsi, sans nul doute, qu’il aura présenté et raconté Chateaubriand dans ses Souvenirs. […] Il parle aux autres, c’est pour eux seuls et non pas pour lui qu’il écrit ; aussi c’est leur suffrage plus que le sien qu’il ambitionne, et de là vient que son talent ne de rendra jamais heureux, car le fondement de la satisfaction qu’il pourrait en recevoir est hors de lui, loin de lui, varié, mobile et inconnu. […] Cela posé, jugeons-le sans miséricorde, et parlons-en entre nous sans retenue ; vous avez fort bien commencé, vous voyez que je vous suis de près ; achevez, et déterminez-moi irrévocablement, car mon incertitude m’est insupportable. […] Je finis sur ce chapitre, j’en ai parlé longtemps, trop longtemps, mais je ne sais par quelle fatalité il arrive que je ne peux rien vous dire en peu de mots ; c’est que j’aimerais à vous dire tout ce que je pense… » Je n’exagère pas, et chacun maintenant est juge ; mais c’est, on en conviendra, un événement biographique que la production d’une semblable pièce d’anatomie morale. […] alors, si on laisse la question de talent à part et à ne parler qu’au moral, il se gâta décidément ; il se plissa au front et au cœur d’un repli de plus ; il mit un dernier bouton, sauf à le faire sauter de temps en temps quand cela le gênait.

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