Les critiques mêmes de profession, pour peu qu’ils fussent élégants, ne s’informaient pas assez à l’avance de tout ce qui pouvait donner à leur jugement des garanties d’exactitude parfaite et de vérité ; on en sait plus qu’eux aujourd’hui sur bien des points dans les sujets où ils ont passé ; on a sous la main toutes les ressources désirables ; sans parler de la biographie, la bibliographie, cette branche toute nouvelle, d’abord réputée ingrate, cette science des livres dont on a dit « qu’elle dispense trop souvent de les lire », et que nos purs littérateurs laissaient autrefois aux critiques de Hollande, est devenue parisienne et à la mode, presque agréable et certainement facile, et le moindre débutant, pour peu qu’il veuille s’y appliquer deux ou trois matinées, n’est pas embarrassé de savoir tout ce qui concerne le matériel des livres et le personnel de l’auteur dont il s’occupe pour le moment. […] quand je vois ces titres qu’on y affiche pas trop complaisamment, ces promesses et ces engagements publics de découvertes, tel ou tel personnage d’après des documents inédits, je me défie un peu du goût et de la parfaite justesse des conclusionsad ; je ne conseillerai pas de mettre, mais j’aimerai tout autant qu’on mît en tête une bonne fois : tel ou tel personnage d’après des idées et des vues judicieuses fussent-elles même anciennes. […] Je ne dis pas qu’il ne serait pas extrêmement curieux aujourd’hui d’avoir ces notes si, par hasard, elles s’étaient conservées, mais je dis que, dans le système qui tendrait à prévaloir et qui prévaut déjà, on en viendrait à les préférer décidément à la composition même, à cette histoire de la guerre du Péloponèse si parfaite, si épique ou dramatique, et d’une si austère unité d’action ; on en viendrait en tout à préférer les matériaux à l’œuvre, l’échafaudage au monument. […] [1re éd.] je me méfie un peu du goût et de la parfaite justesse des conclusions