« Elle avait, dit Choisy, les yeux noirs, vifs, et pleins du feu contagieux que les hommes ne sauraient fixement observer sans en ressentir l’effet ; ses yeux paraissaient eux-mêmes atteints du désir de ceux qui les regardaient. […] Madame devient la reine du moment, et ce moment durera jusqu’à sa mort ; elle donne le ton à toute cette jeune cour, dispose de toutes les parties de divertissements : Elles se faisaient toutes pour elle, et il paraissait que le roi n’y avait de plaisir que par celui qu’elle en recevait. […] Quand le comte de Guiche fut exilé en 1664, Madame, qui avait vingt ans, était déjà devenue plus prudente : « Madame, nous dit Mme de La Fayette, ne voulait pas qu’il lui dît adieu, parce qu’elle savait qu’on l’observait, et qu’elle n’était plus dans cet âge où ce qui était périlleux lui paraissait plus agréable. » Tous ces aimables engagements, ces hasards, ces entrecroisements de désirs et d’intrigues de cœur se rapportent donc surtout à sa jeunesse d’avant vingt ans. […] Lorsqu’il eut été exilé dans son diocèse, Madame ne cessa de lui écrire et de désirer, de demander son rappel ; cette instance même allait contre le but : Le roi, dit Cosnac, crut que Madame ne pouvait pas conserver un si violent et si continuel désir de mon retour, sans que nous eussions ensemble de grandes liaisons, et sans que je lui fusse fort nécessaire ; et ces liaisons, selon les idées qu’on lui en avait données, lui paraissaient une cabale formée, qu’on ne pouvait détruire avec trop de soin. […] Cette pensée, je m’assure, vous paraîtra visionnaire d’abord, voyant ceux de qui dépendent ces sortes de grâces, si éloignés de vous en faire ; mais, pour vous éclaircir cette énigme, sachez que, parmi une infinité d’affaires qui se traitent entre la France et l’Angleterre, cette dernière en aura dans quelque temps, à Rome, d’une telle conséquence et pour lesquelles on sera si aise d’obliger le roi mon frère, que je suis assurée qu’on ne lui refusera rien ; et j’ai pris mes avances auprès de lui pour qu’il demandât, sans nommer pour qui, un chapeau de cardinal, lequel il m’a promis, et ce sera pour vous ; ainsi vous pouvez compter là-dessus… Ce chapeau de cardinal, qu’elle montre ainsi à l’improviste prêt à tomber sur un homme en disgrâce, fait un singulier effet, et on reste convaincu encore, même après avoir lu, qu’il y avait là-dedans un peu de vision et de fantaisie, comme les femmes qui ont le plus d’esprit en mêlent volontiers à leur politique.