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1124. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Rousseau parut : le jour où il se découvrit tout entier à lui-même, il révéla du même coup à son siècle l’écrivain le plus fait pour exprimer avec nouveauté, avec vigueur, avec une logique mêlée de flamme, les idées confuses qui s’agitaient et qui voulaient naître. […] Quoique Les Confessions n’aient paru qu’après la mort de Rousseau et quand déjà son influence était pleinement régnante, c’est là qu’il nous est plus commode aujourd’hui de l’étudier avec tous les mérites, les prestiges et les défauts de son talent. […] Notez bien cette hirondelle ; c’est la première et qui annonce un nouveau printemps de la langue ; on ne commence à la voir paraître que chez Rousseau. […] Nous courons risque d’être aujourd’hui trop peu sensibles à ces premières pages pittoresques de Rousseau ; nous sommes si gâtés par les couleurs, que nous oublions combien ces premiers paysages parurent frais et nouveaux alors, et quel événement c’était au milieu de cette société très spirituelle, très fine, mais sèche, aussi dénuée d’imagination que de sensibilité vraie, dépourvue en elle-même de cette sève qui circule et qui, à chaque saison, refleurit. […] De telles pages étaient en littérature française la découverte d’un monde nouveau, d’un monde de soleil et de fraîcheur qu’on avait près de soi sans l’avoir aperçu encore ; elles offraient un mélange de sensibilité et de naturel, et où la pointe de sensualité ne paraissait qu’autant qu’il était permis et nécessaire pour nous affranchir enfin de la fausse métaphysique du cœur et du spiritualisme convenu.

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