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1937. (1891) Esquisses contemporaines

Il y a là des scènes adorables de fraîcheur et, de grâce ; celle, par exemple, dans l’antique chaumière bretonne, où la vieille mère d’Yves confie son fils au frère qui promet de veiller sur lui ; celle aussi, plus sombre, la dernière du volume, où la grand-mère Keremenen berce son petit-fils au refrain monotone d’une ancienne chanson celtique : « Boudoul galaïchen ! […] Je veux qu’il y ait dans ces livres, au milieu même de scènes positivement repoussantes, une honnêteté et une pureté d’instinct, une loyauté et une droiture, une simplicité et une candeur de l’âme singulièrement attachantes ; je reconnais que les besoins sympathiques y sont réels, ainsi qu’une sorte d’affinité bienveillante pour tout ce qui existe ; que l’amitié surtout, l’amitié sincère — celle, par exemple, d’Yves et de Loti, d’Achmet et d’Ariff-Effendi11 ou de Jean, le spahi blanc, pour Nyaor, le spahi noir12, — y joue un rôle considérable ; mais tout cela est inconscient et n’a point traversé la volonté. […] Il y a dans les natures mortes des hautes Alpes, par exemple, quelque chose de solennel et d’imposant qui n’élève l’homme que pour mieux l’écraser. […] « Finalement, s’écrie-t-il quelque part, nous ne savons rien de rien, nous ne comprenons rien à rien ; nous devons croire et nous croyons, en dépit de toutes les apparences contraires, que le bien est voulu d’une volonté absolue. » Magnifique triomphe de la foi sur la vue, dont l’expression, sans doute, ne sera pas sans fortifier notre foi, mais qui risque de ne toucher que fort médiocrement quiconque ne part pas de prémisses analogues : tel adversaire, par exemple, dont la confiance repose sur la valeur d’un syllogisme correct ou sur les faits acquis par l’expérience scientifique.

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