On sourit d’étonnement et de pitié quand on songe à la critique telle qu’elle se pratiquait autrefois ; à ces chicanes de mots, à cette aridité de formules, à cette pauvreté d’idées, à cette petitesse d’aperçus, à ce pédantisme étroit à l’usage de rhétoriciens rachitiques, se disant fidèles à la tradition quand ils n’étaient qu’obstinés dans la routine, et croyant, par exemple, pouvoir parler poésie sans comprendre ni connaître Shakspeare et Dante. […] Lorsqu’il nous représente, par exemple, son de Marsay poussé aux affaires et devenant ministre à la suite de la Révolution de 1850, nous savons très bien qu’aucun des ministres d’alors ne ressembla, même de loin, à ce dandy aux mains de femme, chantant comme Rubini. […] Tenez, voilà, par exemple, madame Émile de Girardin. […] Il est curieux de retrouver, chez les écrivains et les poëtes qui avaient le mot d’ordre du maître, — Horace, par exemple, — la leçon de morale et le retour au culte des aïeux côtoyant des odes libertines à Lydie ou des maximes épicuriennes. […] Les hommes d’un esprit éminent, La Rochefoucauld et de Retz, par exemple, qui prirent part à la Fronde ou à ses préludes, manquèrent sciemment de patriotisme et de sagesse : ils sacrifiaient l’intérêt de l’État à leur intérêt personnel ; le sentiment, chez les hommes, est toujours regardé comme trop secondaire pour servir d’apologie à leurs fautes : on les accuserait plutôt d’en avoir fait un moyen de plus, un échelon de pouvoir et de fortune.