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1933. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

C’est, au contraire, d’un mystérieux instinct que dérive l’accentuation des syllabes ; les gens de science ou d’art n’y peuvent rien du tout ; il ne dépend pas du plus obstiné des grammairiens ou du plus impertinent des poètes, qu’une syllabe formée d’une consonne et d’un e muet devienne longue, ni que, dans le mot amour, par exemple, mour soit bref et a long. […] Il ne laisse pas d’être pénible, par exemple, que Iago, le méchant-né qu’a voulu Shakespeare, soit, avec un excès d’insistance, banalisé par la rancune de n’avoir pas été nommé lieutenant, incident dont Shakespeare n’a fait que l’occasion de la méchanceté du Mauvais ; et le mobile précis d’un dépit à cause d’un passe-droit se substitue trop adroitement à la nécessité de l’instinct. […] Ne donnez pas attention à quelques incorrections, çà et là, ni à certains vers fâcheusement prosaïques ; n’écoutez pas, par exemple, Cassio dire, comme l’aurait pu dire plus tard un personnage de M.  […] — sans insister non plus sur maintes invraisemblances par trop excessives, — est-il croyable, par exemple, que les juges du Parlement tenant séance, par une procédure imprévue, dans un cachot de la Bastille, consentent à laisser la Maréchale seule avec l’unique témoin qui l’accuse, afin, sans doute, qu’elle ait tout le loisir de l’attendrir ou de le corrompre ? […] Le contraire, à savoir qu’elles ont aidé à l’éclosion de l’originalité, serait infiniment plus vrai. » À cela on pourrait ajouter que, même en dehors du domaine de la forme, trop de liberté, je veux dire l’absence de toute borne et de tout obstacle, ne serait pas favorable à l’essor de la plus inventive imagination ; par exemple, il n’existe pas de véritable beauté dans les parties seulement féeriques, arbitrairement féeriques, des poèmes-féeries, des pièces-féeries ; et il faut créer des lois au miracle pour que les faits miraculeux inspirent quelque intérêt au lecteur ou au spectateur.

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