il viendra, quelques années après, un sage appelé Montaigne qui remettra tout à sa place et à son rang dans l’estime, et qui ayant à développer cette idée, qu’un père sur l’âge, « atterré d’années et de maux, privé par sa faiblesse et faute de santé de la commune société des hommes, se fait tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, et que c’est raison qu’il leur en laisse l’usage puisque la nature l’en prive », ajoutera pour illustrer sa pensée : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns Anciens de son calibre, d’avoir su reconnoître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent, et de nous coucher quand les jambes nous faillent : il résigna ses moyens, grandeur et puissance à son fils, lorsqu’il sentit défaillir en soi la fermeté et la force pour conduire les affaires avec la gloire qu’il y avoit acquise : Solve senescentem… » Mais entrons un peu plus avant dans les raisons qui persuadèrent à une de ces âmes d’ambitieux, si aisément immodérées, d’en agir si sensément et prudemment. […] En retour de cette touchante déférence du père pour le fils devenu roi, il ne serait pas exact de dire que celui-ci se montra ingrat ; mais, si Philippe II paraît toujours fils respectueux, il n’est jamais tendre. […] Le père confesseur lui répondit : “Sire, ce sera très bien fait, surtout si Votre Majesté peut y assister, comme elle le désire : lorsque Votre Majesté le voudra, elles se feront.” […] L’enfant âgé de douze ou treize ans, portant alors le nom de Geronimo et passant pour le page de Quivada, vint quelquefois à Saint-Just dans les derniers mois de la vie de son glorieux père ; mais le vieil empereur le voyait sans faire semblant de le connaître.