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428. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Son père l’électeur espérait, moyennant cette alliance, acheter la sûreté de son pays toujours menacé par les Français. […] Elle devint même la cause innocente de nouveaux malheurs pour ce pays qu’elle chérissait, lorsqu’à la mort de son père et de son frère, celui-ci n’ayant pas laissé d’enfants, Louis XIV, à cause d’elle, éleva des prétentions sur le Palatinat. […] Il est vrai que, si je suis venue en France, c’est par pure obéissance pour mon père, pour mon oncle et pour ma tante l’électrice de Hanovre ; mon inclination ne m’y portait nullement. […] C’est ainsi qu’apprenant que cette princesse s’est évanouie de douleur à la nouvelle subite de la mort de l’électeur palatin, son père, Mme de Sévigné badine là-dessus : « Voilà Madame à crier, dit-elle, à pleurer, à faire un bruit étrange, on dit à s’évanouir, je n’en crois rien ; elle me paraît incapable de cette marque de faiblesse ; c’est tout ce que pourra faire la mort que de fixer tous ses esprits. » Fixer tous ses esprits, parce que ses esprits (dans la langue de la physique du temps) étaient toujours en mouvement et en grande agitation. […] Elle aida plus que personne à le consoler ou à le distraire de la mort de la duchesse de Bourgogne ; elle allait près de lui le soir, aux heures permises, et marquait qu’elle se plaisait dans sa compagnie : « Il n’y a que Madame qui ne me quitte pas, disait Louis XIV, je vois qu’elle est bien aise d’être avec moi. » Madame a ingénument exprimé le genre d’affection ouverte et sincère qu’elle se sentait pour Louis XIV, lorsqu’elle a dit : « Quand le roi eût été mon père, je n’aurais pu l’aimer plus que je ne l’ai aimé, et j’avais du plaisir à être avec lui. » Quand la santé du roi décline et qu’il approche de la dernière heure, on voit Madame dans ses lettres laisser éclater sa douleur à nu ; elle, dont le fils sera Régent, elle craint, plus que tout, le changement de règne : « Le roi n’est pas bien (15 août 1715) ; cela me tracasse au point que j’en suis à moitié malade ; j’en perds l’appétit et le sommeil.

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