/ 2203
1094. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Sur ce, je racontais à l’abbé que Jupiter un jour fut attaqué d’un grand mal de tête ; le père des dieux et des hommes passait les jours et les nuits le front penché sur ses deux mains, et tirant de sa vaste poitrine un soupir profond. […] Le bon, l’indulgent Jupiter fit essayer à sa fille ces différens vêtements, et les hommes reconnurent qu’aucun ne lui allait aussi bien que celui sous lequel elle se montra au sortir de la tête de son père. […] Ce terrible incendie, au milieu duquel hommes, femmes, enfans, pères, mères, frères, sœurs, amis, étrangers, concitoyens, tout périt, vous plonge dans la consternation, vous fuyez, vous détournez vos regards, vous fermez vos oreilles aux cris, spectateur peut-être désespéré d’un malheur commun à tant d’êtres chéris, peut-être hazarderez-vous votre vie, vous chercherez à les sauver ou à trouver dans les flammes le même sort qu’eux. […] — Oui, l’abbé, le génie, et puis le bon choix des sujets, l’homme de nature opposé à l’homme civilisé, l’homme sous l’empire du despotisme, l’homme accablé sous le joug de la tyrannie, des pères, des mères, des époux, les liens les plus sacrés, les plus doux, les plus violens, les plus généraux, les maux de la société, la loi inévitable de la fatalité, les suites des grandes passions. […] Un père qui a des enfans et une fortune modique serait économe en l’acquérant ; il en jouirait toute sa vie, et dans vingt à trente ans d’ici, lorsqu’il n’y aura plus de Vernet, il aurait encore placé son argent à un très-honnête intérêt : car lorsque la mort aura brisé la palette de cet artiste, qui est-ce qui en ramassera les débris ?

/ 2203