L’univers, pour notre malheur, l’a su de manière à ne jamais l’oublier ; mais il faut, pour son instruction, lui apprendre, par le détail même des événements, ce qu’il n’a su que par le bruit d’une chute épouvantable. […] Et pendant que cet historien sans style, selon vous, expose, décrit, raconte avec ce prestige de curiosité toujours excitée et toujours satisfaite, qui est la magie de ce talent, qui est plus que le talent, car il le fait oublier par le lecteur, sentez-vous qu’il manque quelque chose à l’historien ? […] N’est-ce pas le chef-d’œuvre de l’ouvrier de faire oublier l’outil ? […] Thiers possède ces trois vertus de l’homme d’État et de l’historien à un degré très rare chez ce qu’on appelle les hommes de la tribune ; il fait plus qu’en avoir la foi, il en a l’intelligence, il en a l’audace ; il les confesse hardiment et fièrement devant un siècle qui les oublie trop souvent, et il les réhabilite avec une grande évidence de conviction. […] Thiers, et quand nous l’avons combattu autrefois, comme orateur ou comme chef de parti, dans les luttes parlementaires où la mêlée des événements nous avait jetés face à face à la même époque, c’est qu’il oubliait dans l’opposition ce respect de l’unité et de la force du gouvernement qu’il est permis de conquérir, mais qu’il ne faut jamais saper dans son pays.