Émancipés aujourd’hui, fils de l’Occident, héritiers de tant d’œuvres, et comme portés sur les épaules de tant de générations, espérons mieux ; mais, si nous nous appelons philosophes, n’en venons jamais, par une sorte d’orgueil intellectuel, à oublier les origines si grossières et si humbles de toute société civile. […] Ce peu pourtant est très digne d’être lu… » M. de Tocqueville avait un peu du dédain des esprits établis pour les aventuriers qui se risquent et commencent, pour ceux qui, engagés à corps perdu dans l’action, ne s’avisent pas d’en raisonner ; il oubliait qu’on ne raisonne pas des choses à perte de vue quand on les touche à bout portant. […] Ce n’est pas seulement le découragement de moi-même, mais des hommes, à la vue chaque jour plus claire du petit nombre de choses que nous savons, de leur incertitude, de leur répétition incessante dans des mots nouveaux depuis trois mille ans, enfin de l’insignifiance de notre espèce, de notre monde, de notre destinée, de ce que nous appelons nos grandes révolutions et de nos grandes affaires… Il faut travailler pourtant : car c’est la seule ressource qui nous reste pour oublier ce qu’il y a de triste à survivre à l’empire de ses idées, etc.