Que je lise avec le même ravissement ce que les Muses immortelles ont chanté, que j’oublie les passions orageuses qui tourmentent l’homme inquiet pour m’élever aux pensées riantes ou majestueuses qui font disparoître tout ce qui n’est pas elles. […] Je vois Tompson monté sur un Vaisseau prêt à fondre dans l’abîme ; il semble oublier le péril, il contemple les superbes images de cette horrible tempête, ce sombre effrayant qui colore la Nature attristée, & la lueur rapide des éclairs réfléchie sur les eaux ; passionné pour son Art, il s’écrie : O ! […] Ma voix est foible, mais du moins elle sera l’interpréte de l’honnêteté ; & je dirai : ô vous qui courez la carriere de l’immortalité, oubliez-vous qu’ayant l’honneur de parler aux hommes, ils ont droit d’attendre de vous une vertu mâle, severe, courageuse, qui sçache prononcer contre vous-même lorsque l’intérêt général le demandera. Oubliez-vous qu’on ne pardonne pas à l’envieux, & au méchant même en faveur de son génie, & que le souverain mépris s’allie quelquefois à l’admiration des plus rares talens. Oubliez-vous que si la malice humaine sourit quelquefois aux traits ingénieux de la Satyre, elle passe avec la foule interessée à le recevoir, & que l’équité proscrit bientôt cette petite vengeance en marquant du sçeau du mépris le jaloux censeur.