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640. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

J’ose dire aussi qu’il n’a point un cœur, qu’il ne sent point les doux frémissements d’un amour parfait, qu’il ne connaît point les extases dans lesquelles jette une méditation ravissante, celui qui ne sait point t’aimer avec transport, qui ne se sent point entraîner vers l’objet ineffable du culte que tu nous enseignes… Tu vivras toujours, et l’erreur ne vivra jamais avec toi. […] Nous oserons en reproduire quelques-unes en vers, prévenant le lecteur, une fois pour toutes, que nous savons toute l’infériorité de l’imitation, que nous avons par instants paraphrasé plutôt que traduit, et que bien souvent, par exemple, nous avons mis cinq mots là où il n’y en a que trois. […] Oserai-je exprimer ici une manière d’interprétation que me suggère ce mélange, ce contraste en lui d’incrédulité orgueilleuse et d’épanchement affectueux ? […] Il faut désespérer de faire comprendre un tel chef-d’œuvre autre part que dans l’original ; qu’on me pardonne de l’avoir osé traduire et légèrement paraphraser, et qu’on devine, s’il se peut, à travers le plâtre et la terre de la copie, la fermeté primitive et tout le brillant du marbre. […] Même l’homme du peuple, et le moindre garçon A qui certes jamais Zénon ne fit leçon, Même la jeune fille, humble enfant qui s’ignore, Qui se sentait dresser les cheveux hier encore Au seul mot de mourir, tout d’un coup enhardis, Ils vont oser régler ces apprêts si maudits, Méditer longuement, d’un œil plein de constance, Le poison ou le fer, leur unique assistance ; Et dans un cœur inculte, et du reste ignorant, La grâce de la mort à la fin se comprend : Tant cette grâce est vraie, et tant la discipline De l’amour vers la mort doucement nous incline !

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